Isamu Kenmochi

1912-1971, 

Japon

Isamu Kenmochi (剣持勇) est un designer japonais connu pour être l’un des initiateurs du design industriel dans son pays. Fort de ses voyages, il adapte les méthodes de fabrication étrangères et tire parti des avancées technologiques. Il participe ainsi à forger une identité moderne et bicéphale au design japonais, caractérisée par une production raisonnée cohabitant harmonieusement avec les pratiques traditionnelles. 

Publique et privée : une carrière au service du design japonais

Diplômé de l’Institut des Arts Industriels (IAI) de Tokyo en 1932, il poursuit ses études à celui de Sendai avant de développer des applications possibles du contreplaqué à l’aéronautique pendant la Seconde Guerre Mondiale. Après la défaite, le Japon passe sous domination américaine. Isamu Kenmochi participe alors à la reconstruction, aussi bien théoriquement que matériellement : il œuvre à la politique de standardisation menée par le gouvernement et favorise le développement du mobilier en tant que secteur à part entière du domaine industriel. Il occupe des postes à responsabilités au sein de l’IAI, organisme gouvernemental puissant, et participe ainsi à définir le nouveau paysage du design japonais.
En 1955, il quitte le circuit public et décide de fonder sa propre agence. En 1956, il ouvre sa propre boutique, Living Art où il propose ses créations et celles d’autres designers, toujours avec la Modernité comme gouvernail. Niimi Ryu, professeur à l’Université d’art de Musashino, voit Isamu Kenmochi « comme la plus importante personnalité de la Modernité japonaise », associant matériaux naturels et techniques de l’artisanat japonais aux formes modernes et à la production en série : le Pavillon japonais qu’il réalise en collaboration avec l’architecte Kunio Maekawa (1905-1986) pour l’Exposition Universelle de Bruxelles en 1958 et pour lequel ils reçoivent un Grand Prix, en est un parfait exemple.

Isamu Kenmochi et le « Japanese Modern »

Son voyage aux États-Unis en 1952 va considérablement conditionner la vision de son métier. Alors jeune directeur du département design au sein du nouvel IAI, il est envoyé en mission officielle pendant sept mois afin d’étudier leur design, leur industrie et leur économie. Il rencontre aussi tous les plus grands designers du moment : Charles (1907-1978) et Ray (1912-1988) Eames, Marcel Breuer (1902-1981), Eero Saarinen (1910-1961), Ludwig Mies van der Rohe (1886-1969). Si le Japon post-défaite est largement imprégné de l’American Way of Life, Isamu Kenmochi est surpris de constater que le design américain est très influencé par les créations japonaises et scandinaves. Il emporte alors dans ses bagages les nouvelles considérations industrielles, bien décidé à les adapter aux exigences japonaises.
À son retour, et sur le modèle d’Edgar J. Kaufmann (1885-1955) qu’il a côtoyé durant son séjour, il développe un « Good Design » à la japonaise. Dans son ouvrage de référence, « Japanese Modern », Isamu Kenmochi souligne alors que le propre du design japonais est de réunir des pôles contradictoires qui n’ont jamais été harmonisés  : « la machine et la main, l’humain et la nature, la raison et l’émotion ».
Influencé par les venues de Bruno Taut (1880-1938), Charlotte Perriand (1903-1999) et Isamu Noguchi (1904-1988), il livre un design aux lignes épurées et à la grande ergonomie mais son terrain de jeu favori reste l’espace et son optimisation. Il milite d’ailleurs pour que designers et architectes d’intérieurs soient reconnus au même titre que les architectes.
Isamu Kenmochi est connu pour ses nombreuses réalisations d’envergure comme le Palais international des congrès de Kyoto ou les aménagements des Boeing 747 de la Japan Airlines, mais il est aussi un important théoricien : il est à l’origine d’articles sur divers sujets (design quotidien, nouveaux matériaux) et son poste de professeur à l’Université d’Art Tama de Tokyo dès 1959 lui permet de transmettre ses préceptes.

En 1961, Isamu Kenmochi écrivait que sa pratique était « avant-gardiste » : il était « fier de penser qu’elle s’inscrit quelque part dans la lignée directe des 180 ans d’histoire du mouvement moderne (le mouvement de modernisation de la vie quotidienne). » Son suicide en 1971 marque le destin tragique d’un designer qui a œuvré toute sa vie à la définition et la reconnaissance du design moderne japonais sur le territoire et à l’international. 

Œuvres d'Isamu Kenmochi

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