George Nakashima

1905-1990, 

États-Unis

George Nakashima se qualifie lui-même d’artisan du bois. Né en 1905 à Spokane (Washington, États-Unis) d’immigrés japonais, il est l’un des plus célèbres représentants de l’American Craft Studio. Suiveur du mouvement Mingei, il se positionne à contre courant de son époque et crée un design hors du circuit industriel : il choisit chaque pièce de bois et donne vie à des œuvres de formes libres d’une expressive sincérité, sublimant autant le grain et la forme que les imperfections. 

Un japonais aux États-Unis

Finançant ses études grâce à des emplois saisonniers, tantôt dans les chemins de fer tantôt dans les exploitations de saumon, il se forme à l’architecture à l’Université de Washington puis au MIT (Massachusetts Institute of Technology) avant de partir finir son cursus à Fontainebleau (France) en 1928.
Il s’engage ensuite dans un tour de sept ans, le menant de Paris en Inde en passant par le Japon. Il reste cinq ans sur les terres de sa famille, notamment maternelles à Kamata, et visite tout l’archipel. Il travaille ainsi à Tokyo dans l’agence de l’architecte américain d’origine tchèque Antonín Reimann (1888-1976), initialement venu au Japon pour travailler avec Frank Lloyd Wright (1867-1959) au début des années 1920 et dont il ne repartit finalement jamais. George Nakashima découvre le mouvement Mingei au moment de son émergence et devient un de ses fidèles adeptes : il en retient ainsi le retour aux traditions et aux formes anciennes et il se passionne pour les pièces uniques et l’irrégularité.
De retour aux États-Unis, il se marie à Marion Okajima à Los Angeles puis le couple part s’installer à Seattle en 1941. George Nakashima est alors très critique sur l’architecture de son temps qu’il trouve peu inspirante, et décide de se lancer dans la conception de meubles en bois. La Seconde Guerre Mondiale et le climat anti-japonais régnant aux États-Unis le mènent dans le camp de concentration d’Idaho après l’attaque de Pearl Harbor : cette épisode tragique le fait rencontrer le maître ébéniste japonais Gentaro Hikogawa, de qui il tire nombre d’enseignements. Sa carrière allait ainsi débuter brillamment au sortir de la guerre. 

Pour l’amour du bois

Il s’installe finalement à New Hope, en Pennsylvanie, terre de l’American Craft Studio.
Sa pratique dénote dans le paysage contemporain. En effet, non seulement il loue le travail d’ébéniste et revient aux méthodes traditionnelles de fabrication, mais il critique aussi les effets inhumains de l’industrie, comme un William Morris (1834-1896) à la fin du siècle précédent. Son approche est donc très différente de celle de ses contemporain·e·s et ses rares essais avec les éditeurs américains ou japonais comme Knoll ou Sakakura Company, sont peu concluants. Il ne crée pas pour la société de consommation naissante : il se concentre sur le bois, son âme, sa poésie. Il débute seul dans son garage d’Aquetong Road. La petite entreprise familiale prend ensuite de l’ampleur : il s’entoure de quelques assistants qu’il dirige et qui, sur le modèle des premières d’atelier dans le monde de la mode, interprètent ses dessins.
Lors d’une conférence en 1977, il dit ainsi : « ma relation au mobilier et à la construction vient naturellement de mon dialogue avec un arbre, avec qui j’ai une complète empathie psychique. » Selon le designer, la matière doit parler d’elle-même sans que la technique ne vienne la contraindre : seul le travail de la main doit venir humblement sublimer ce qui est déjà présent, du grain aux imperfections, des formes aux veines ; il est le digne héritier du mouvement Mingei et de ses origines samouraï. Son mobilier est conçu sur des modèles, comme les séries « Conoid » et « Minguren » le prouvent, mais chaque pièce reste unique car le morceau de bois choisi est toujours travaillé dans le respect de son intégrité initiale : c’est ce qui fait la richesse du mobilier de George Nakashima.
Sa renommée est établie dès les années 1950 et l’excellence de ses créations n’est plus à prouver. Ses célèbres « freeform » sont des odes boisées d’une incroyable sensibilité qui séduisent une clientèle riche et importante, à l’image de la famille Rockefeller. 

Le travail de George Nakashima est plus complexe et plus libre durant les dernières années de sa vie. Ses œuvres de bois sont parfaitement imparfaites : il suit les courbures naturelles du matériau et ajoute parfois ses désormais célèbres agrafes papillons, comme des sutures, à la façon d’un kintsugi. Célèbre dès les années 1950, le Museum of Modern Art (MoMA) de New York lui dédie une exposition dès 1951 et il reçoit la médaille d’or de l’artisanat décernée par l’Institut Américain des Architectes en 1952. Son œuvre jamais ne mourra et sa fille Mira poursuit encore aujourd’hui l’héritage de son père.

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