Katsuhei Toyoguchi

1905-1991, 

Japon

Katsuhei Toyoguchi (豊口克平) est un pionnier dans le domaine de l’architecture intérieure et du design industriel : ses nombreuses activités, mobilières, éditoriales et universitaires, en font l’un des designers japonais les plus importants de sa génération. 

Une carrière au service du design dans son ensemble

Diplômé de l’Institut des Arts Industriels de Tokyo (Tokyo College of Industrial Arts) en 1928, il participe à la fondation du prestigieux Keiji Kobo (littéralement, Atelier de la Forme) créé sur le modèle du Bauhaus : il y mène des recherches sur la création de mobilier à destination des intérieurs avec tatami.
La carrière de Katsuhei Toyoguchi est d’une incroyable richesse. Dès 1933, il travaille au sein de l’organisme étatique nouvellement créé, l’Institut des Arts Industriels (IAI) dont plusieurs antennes existent dans les grandes villes de l’archipel, puis prend la direction de celui d’Osaka entre 1939 et 1943. Après la guerre, il retourne à Tokyo pour concevoir du mobilier destiné aux forces américaines occupant alors le pays. Après une riche carrière publique, il quitte l’IAI en 1959 pour fonder sa propre entreprise avec Shutaro Mukai (né en 1932), Design Associates, et acquiert une stature non plus seulement sur le sol japonais mais bien d’envergure mondiale. En effet, il reçoit en 1960 l’une des premières commandes de l’Organisation Japonaise du Commerce Extérieur afin de réaliser les espaces pour la Foire Commerciale de Moscou. Il est aussi à l’origine des pavillons japonais pour les Expositions Universelles de Seattle et Montréal, respectivement en 1962 et 1967.
Son influence ne s’arrête pas aux projets en dur. Il œuvre pour la professionnalisation du métier de designer au Japon, comme sa participation active à l’Association Japonaise de Designers Industriels pendant deux décennies le prouve – il en sera même le président pendant sept ans. Son avis a du poids puisqu’entre 1955 et 1970, il est membre du jury de l’un des plus prestigieux prix de design industriel, le Prix Mainichi.
Il participe également à la diffusion du savoir de multiples façons, d’abord en tant que rédacteur en chef du magazine de référence en matière de design industriel, Kogei Nyusu, entre 1935 et 1937. Il est aussi un auteur reconnu, à l’origine de nombreux articles et ouvrages de références, par exemple sur le mobilier standard (« Hyojun kagu », 1936) ou les stratégies du design (« Dezain senjutsu », 1966). Son poste de professeur de design à l’Université d’Art Musashino de Kodaira (Kuwasawa Design School, Musashino Art University) de 1959 à 1975 lui permet de former toute une génération de designers.  

Un design symptomatiquement japonais

Son design est simple et épuré. La chaise modèle « Toyo », qu’il dessine en 1955, en est un bon exemple : cette assise est l’une des premières pièces éditées par Tendo Mokko et meuble le salon du gouvernement préfectoral d’Akita. La « Spoke Chair » ou chauffeuse à rayons est sans nul doute sa création la plus iconique. Fortement reconnaissable grâce à son dossier enveloppant d’où elle tire son nom, elle est une réinterprétation lointaine de la chaise Windsor, combinant une assise basse, typique des intérieurs japonais et un confort extrême, empruntant des codes au design occidental. Il pense d’ailleurs qu’après la Seconde Guerre Mondiale, la domination occidentale sur le sol japonais a permis un apport considérable : « nous […] sommes contents d’avoir trouvé là l’occasion de réaliser une gamme organisée et stylistiquement unifiée de meubles modernes, d’un type jamais vu au Japon auparavant. Cela nous a permis de prendre conscience du renouveau des techniques manufacturières, et nous a fourni d’amples informations sur la réalité du mode de vie occidental dont nous avions auparavant une idée floue, mais aussi sur les techniques de la conception formelle des meubles. »

Méconnu en Europe, Katsuhei Toyoguchi est pourtant l’un des designers les plus magistral et incontournable du design japonais, un touche-à-tout ayant autant œuvré théoriquement que matériellement. Consécration de son travail et de son importance, il reçoit le prix Kitaro Kunii des arts industriels en 1975 et l’année suivante l’Ordre du trésor sacré décerné par le gouvernement japonais.

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